François Moulignat, Andrès Blume et Tony Harding à la maison des arts Bages

exposition du 30 janvier au 5 mars 2015 François Moulignat

texte du catalogue Ces oeuvres sont faites de passages successifs de plâtre, d’enduits successifs de blanc, comme on applique un onguent. Elles gardent la marque de la tension de la toile sur le châssis. Le séchage dure un long temps, les couleurs sous-jacentes finissent par transparaître sous le blanc passé en plusieurs couches.  l’ombre, celui-ci vire à l’ivoire avant de s’éclaircir à nouveau à la lumière. Le plâtre reçoit la poussière, il s’enrobe d’une légère patine luisante. Il y a une histoire. C’est une histoire d’usage: outre le fait qu’elles fassent l’objet de transport, transaction, échange, exposition, elles sont manipulables, il est possible de les retourner, de les ajointer deux à deux, de les accrocher au mur ou de les poser au sol. Elles sont réutilisables : incluses dans un caisson de plâtre, elles sont immobilisées et expérimentent leur ajustement à un lieu, une architecture, avant d’être démontées et stockées.

Le blanc est transparent, assombri, usé. Loin d’être immaculé, il est surchargé de repentir et de couches superposées. Ainsi la tension, l’hétérogénéité des matériaux, les jeux de la couleur en dessous, l’absence de cadre, tout cela marque ces oeuvres d’une vulnérabilité, d’une altération. A l’altération répond un possible rajeunissement, le passage d’une nouvelle couche de blanc, d’un nouvel enduit (comme on chaule régulièrement les murs d’une pièce dont les angles s’arrondissent, comme on enduit de graisse ou de couleur une statue, un fétiche).  Mais quand le blanc redevient pur, d’une pureté parfaite, à nouveau se multiplient les occasions de souillure, les risques de salissure. L’exposition à la vision est aussi, inéluctablement, exposition au toucher… Lorsque l’oeuvre est finie elle n’est pas finie. En position d’objet d’échange dont la fonction est de construire des relations, de composer de la structure, elle ne cesse de produire l’expérience de l’exposition et ainsi de s’user au regard de qui la regarde. F.M.

Tony Harding et Andres Blume

A voir les sculptures d’Andres Blume, aucun code ni clé ne réduit la surprise de cette surrection qui, d’emblée, fait éloge. Eloge du fer, sa vigueur brandie dans le subtil agencement des formes : s’y conjuguent la ductilité du métal avec le vouloir modelant. Il y a là comme un conflit étrange, une lutte amoureuse entre les barres ou lingots massifs et les torsions, les martèlements fastueux. Car pour que chante le chant magistral du matériau, que s’exalte la “ferrité” du fer, il faut, certes, être fidèle à ce dernier, à son écoute, mais assurément hors bigoterie. Andres Blume, forgeant avec une vigilance extrême, porte le combat à son point le plus haut : si le geste de l’artiste, tout de lucidité, met le fer à la question, c’est qu’il permet ainsi et seulement ainsi au métal d’affirmer sa propre force, sa puissance, son ardente poussée à travers l’autorité des angles ou de la rondeur pleine des anneaux.

Jo Winter – La Maison du Roy à Sigean

sculptures et œvres sur papier Exposition du mercredi au samedi de 15 h à 19 h Du 10 juillet au 5 septembre 2015 (sauf jour fériés) ” mais hélas, où chercher , quand c’est l’hiver, les fleurs” Weh mir, wo nehm ich , wenn Es Winter ist, die Blumen (Friedrich Hölderlin) Notes Un artiste, à travers son travail, son oeuvre, cherche à communiquer à celui qui regarde, ses préoccupations, ses émotions. Je suis né en 1949. J`ai grandi dans un milieu modeste et ce fut cependant une enfance heureuse. Je sentais néanmoins qu`il y avait quelque chose dans la société dont on en ne parlait pas. Quelque chose qui devait être très cruel et insupportable à nommer . La guerre venait de se terminer et c`est en feuilletant fortuitement un livre illustré de centaines de photographies que j`ai découvert ce qui s`était passé: les crimes, les massacres, les camps de concentration, le génocide…La prise de conscience de l’extermination fut un coup d’arrêt à l’insouciance d’une enfance paisible et heureuse; dès lors, la douleur qui m’habita ne me quitta plus et marqua profondément ma vie. Ma bouée de sauvetage fut l`art. L`art qui permet de montrer l`invisible, d`exprimer les non-dits fut pour moi une façon d`exorciser mes angoisses et de rompre avec le mutisme ambiant. Pendant vingt ans, de 1975 à 1995, j`ai pratiqué uniquement la peinture.  Je peignais pour tenter d`exprimer mes tourments et mes désirs. Puis j`ai découvert le dessin. Le crayon noir était tellement fascinant que j`abandonnais la peinture. Après le crayon, j`ai utilisé l`encre de chine et les papiers calques. Ce n’est que depuis une dizaine d’années que je pratique la sculpture, en travaillant uniquement le bois avec pour seul outil la tronçonneuse. J`utilise toujours du bois frais. Ainsi, le bois a la chance de participer et d`exprimer sa grande force sous forme de fissures. A travers mon travail j`essaye d’ajouter ma propre force, et autant que possible, de charger le bois. La forme, le volume, et l’espace cerné ont un effet d`accumulateur d’énergie. Depuis un certain temps je m’occupe en particulier des problèmes de légèreté – lourdeur et de densité – transparence. J`essaye de découvrir dans le tronc solide le potentiel de l`autre et de le montrer… jusqu’à la limite de la dissolution et de la désintégration. La série des tours en est un exemple. Aucun rajout, aucune décoration, seulement une forme pure. Par amour de la forme, la sculpture souvent est noircie ou blanchie. Une distraction de la forme par ronces ou branches coupées doit être réduite autant que possible. Noircir par le feu n’est pas une application, mais une transformation du bois lui-même, c’est ce qui m`importe. Parfois l`idée exprimée appelle un noircissement, parfois des raisons esthétiques le justifient. Blanchir est un tout autre problème. Le blanc doit être appliqué en veillant à ce qu`il reste translucide. En effet, ce blanc souligne l’effort de légèreté recherchée. Le titre de l`expo actuelle à la Maison du Roy à Sigean « Mais hélas, ou prendre, quand c`est l`hiver, les fleurs » est prêté du poème « Moitié de la vie » de Friedrich Hölderlin, poète de ma ville de Tübingen. Il exprime bien cet hiver qui est dans le monde et sous lequel je souffre bien.

Jean-Christoph Alix, Claire Charpentier, Eric Figuehenric – caviart

Confrontations/ Réflexions Du 24 juillet au 23 août caviart Domaine d’Estarac – 11100 Prat-de-Cest/Bages Jean-Christoph Alix Sédimentation

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CLAIRE CHARPENTIER Si travailler sur un thème donné au départ est une contrainte, cette contrainte peut devenir source de liberté au fur et à mesure du travail. Ce thème du temps est pour moi plutôt inquiétant, (ce que le temps nous fait, me fait, me fera) et je vais le traiter comme tel, telle est au moins mon intention de départ. Car bien sûr on se laisse toujours mener par la chose même qu’on est en train de créer. C’est l’occasion de revenir à mes premiers amours : le carton d’emballage, peint et découpé, mais qui laisse entrevoir sa matière brute, évocatrice de sa destination première, utilitaire.</br

Rémy Jacquier Frédéric Bouffandeau à l’atelier rue du soleil

atelier rue du soleil 21 juillet – 20 août 2015 Rémy Jacquier Le travail de Rémy Jacquier se partage essentiellement entre le dessin et la sculpture. Le dessin qui est sa pratique première engage le corps de manière très forte avec de grands formats réalisés au fusain.Sculpture et dessin se subdivisent eux-memes en des registres et des procédures très différents: le dessin donne aussi bien des grouillements, tourbillons, grisailles, formes hybrides non identifiables que le geste très radical des Phosphènes, (voir catalogue Ceysson) tandis que la sculpture produit des instruments de musique et des volumes architecturaux (terme que Jacquier préfère à celui de “maquette.” puisque ces sculptures sont leur propre finalité et ne sont pas déstinées à être construites, même hypothétiquement) Quelles que soient les séries, ils sont conçus selon des règles strictes. La forme des différents éléments et leur arrangement sont détérminés par des opérations: – de suites arithmétiques ou rythmiques: “Pavillons Parker“, – de textes, transcrits en braille: “Bijou“, – de schémas scientifiques : ” Oreille – langue”, ou guitares “Gamelan” qui font que, une fois le protocole déterminé, l’exécution de la sculpture ne laisse que peu de part à l’improvisation. Grands dessin et volumes sont le plus souvent résentés ensemble lors des expositions. Remy Jacquier Remy Jacquier Frédéric Bouffandeau lI y a quelque chose d’essentiel dans la production de Frédéric Bouffandeau. Tout part du module, de cette forme, florale, souple, dont les pourtours, soulignés jadis, allaient devenir la matrice de toute une production. L’artiste passe d’un médium à l’autre, sans interruption. Les pièces produites fécondent les suivantes, enrichissent l’ensemble, tout en gardant leur caractère élémentaire, modulaire. Si bien quechacune est à la fois générique et singulière. Tout en légèreté, avec une infinie douceur, les éléments engagent leur croissance, leur extension et tentent de s’échapper du plan. Parfois même, les formes se détachent du fond pour devenir volumes.

LAST Nico Lazúla | Ruedi Staub Résidence d’artistes Peyriac de mer

Artistes en Residence à Peyriac de Mer, juin 2015 Nico Lazúla Pendant son séjour à Peyriac de Mer elle s’intéresse à l’ environnement sonore .qu’elle traduit en dessins et formes plastiques. La quiétude des lieux permet une meilleure audition. Chaque son s’installe dans le temps et l’espace contrairement à la ville où la possibilité d’audience à distance est réduite. Les oeuvres de Nico Lazùla donnent à voir ce paysage sonore, loin du tumulte citadin. photo:Marc Médevielle photo:Marc Medevielle Ruedi Staub Pendant la résidence, Ruedi s’est passionné pour les mouvements des gens lors de la péranque. Pratiquant lui même le jeu, il parvient à saisir au quotidien les interactions complexes entre les habitants et les billes de métal.  Une fois les oeuvres réalisées, il les superpose, comme ses dessins panoramiques du village, Ainsi, de l’entrelacement d’images fixes, jaillissent le mouvement, la vie. photo:Last Depuis 2008 le duo Nico Lazula et Ruedi Staub interviennent dans des lieux différents. Pour les journées portes ouvertes de l’atelier à Peyriac de mer, les artistes présentent une installation temporaire in situ au centre du village. L’oeuvre est réalisée avec des matériaux trouvés dans les alentours.

56e Biennale de Venise : pavillon français

Révolutions – Céleste Boursier-Mougenot

Présentées depuis près de vingt ans en France et à l’étranger, les œuvres de Céleste Boursier-Mougenot sont autant celles d’un plasticien que d’un musicien.

Quand le visteur pénètre dans le pavillon Français, il y découvre un arbre, un majestueux pin sylvestre, comme si les frontières entre l’intérieur et l’extérieur avaient été renversées. Sous la verrière comme envolée du pavillon et dans les allées arborées, Celeste Boursier-Mougenot déploie la chorégraphie alchimiste de trois arbres mobiles, qui se déplacent en fonction de leur métabolisme, des variations du flux de leur sève, de leur sensibilité au passage de l’ombre à la lumière.

Ces chimères, hybridation de la machine et de la nature,  sons sous-tendues par une vision animiste des arbres et sont rendues possibles grâce au principe de transmutation. Ce dernier consiste à codifier des événements physiques – comme la vie qui se déroule au sein de l’arbre,  le différentiel d’électricité qui existe entre un végétal et la terre – et à les connecter avec d’autres informations pour produire du mouvement ou du son.

En produisant des connections inédites entre des éléments naturels et technologiques, l’artiste expérimente des relations insoupçonnées entre nature et culture, les libérant de leur déterminisme et les amenant vers un nouvel état de nature. Baigné par le son produit par les arbres alentour, dont le bruissement électrique engendre un environnement sonore – à partir du courant différentiel basse tension capté en direct – la pavillon français se transforme en un théâtre ouvert, un refuge au sein duquel le visiteur peut se reposer,

56e Biennale de Venise : pavillon chilien

Poeticas de la disidencia -P. Errazuriz & L.  Rosenfeld

Paz Errazuriz et Lotty Rosenfeld sont deux artistes chiliennes de renommées nationales et internationales.  Les travaux présentés dans l’exposition « Poetics of Dissent » ajoute au champ visuel, les traces du passage historique et politique allant de la dictature militaire chilienne à la démocratie post-transitionnelle. Le voyage historique et politique auquel invite leurs travaux, articule les conflits du langage, du pouvoir et du genre interprétés par leur regard, de manière esthétique.

Le travail photographique de P. Errazuriz et les videos de L.  Rosenfeld construisent une approche visuelle qui met en valeur les corps de ceux qui ont été démolis par l’exploitation économique, l’abandon public, le manque de protection des droits des citoyens, la dépravation de la justice et la rupture du lien social. Le sauvetage critique et artistique de ces corps, punis et insurgés dans le même temps, est mis face à la tourmente du mondialisme capitaliste des frontières non intégrées des périphéries d’Amérique latine.

P.Errazuriz se concentre sur les quartiers isolés ou fermés (bordels, hopitaux psychiatriques, villages ruraux) dûrement habités par des sujets qui souffrent de rejet, d’omission ou de retard mental. Des sujets qui, cependant, utilisent leurs identités méprisées pour rafiner certains artifices de la vie afin de transgresser (presque de manière invisible) le réductionisme stéréotypé de la marginalité humaine et sociale.

L’exposition « Poetics of Dissent » constraste les extremités d’un espace-temps inégal de l’Amérique latine. Dans les disproportions de cet espace-temps hybride cohabitent, d’abord, l’anachronisme visuel de la photographie noir et blanc gelant les corps et les géorgaphies qui cachent des lieux sub-periphériques pour tracer des soulévements existentiels indiscernables.

56e Biennale de Venise : pavillon britannique

I scream Daddio – Sarah Lucas

Son art est un mélange équilibré entre obsénité et lyrisme. Elle sait comment parler ouvertement de sexe, de mort, de décadence morale, et du concept insaisissable «d’englishness ».  L’humour est la clée, ici. « C’est savoir négocier avec les contradictions de ce qui est, par convention » dit Sarah Lucas. Dans une certaine mesure, l’humour et le sérieux sont interchangeables. Autrement, ça ne serait pas drôle. Ou devastateur.

Tout a commencé avec un oeuf

Je voulais, avant tout, que l’exposition ait l’apparence d’un dessert, d’une confection. Plus spécifiquement d’îles flottantes, avec les femmes, mes muses, jouant le rôle des meringues, et Maradona (la main de Dieu), le rôle du chef pâtissier. Les sculptures baignent ainsi dans un ocean de crème, une crème anglaise. C’est l’un des rôles du jaune. Son autre rôle est d’inonder le pavillon de lumière et de mettre tout le monde de bonne humeur. Enfin, c’est à l’oeuvre qu’on reconnaît l’artiste.

Les pois

J’ai pensé inclure un Union Jack quelque part dans l’exposition, comme il est de mise de faire quand on représente la Grande Bretagne. J’ai d’abord pensé à mettre une version jaune de « Sadie’s Low plinth » en pensant qu’elle avait une ressemblance frappante avec l’Angleterre dans cette pose. Après quoi, j’ai rejeté l’idée. Une complication qu’elle, en tant que sculpture, n’avait pas besoin.

Des pois peints, d’un autre côté, étaient un parfait emblème britannique. « La machine à laver les œufs fris » fonctionne également comme une sculpture en forme de pois.

Fags

Les cigarettes, si jamais vous vous posez la question, sont surtout là pour vous titiller.  C’est une gentille stimulation, un peu sexuelle. Bien sûr, la cigarette est un objet très fin qui a sa propre utilité, celle de fumer entre autre. J’aime particulièrement celles à la pointe brune. Dans notre cas, ça marche assez bien avec le bois brun des meubles et le plâtre blanc des femmes. Pour moi, ça ajoute un air irreverant et insouciant. Ca ajoute quelque chose, sans trop ajouter non plus – un peu comme le fait de fumer en soi. Et si vous faîtes partie des gens qui ont le sentiment que les sculptures seraient mieux sans les cigarettes, et bien.. je les ai aussi mises pour vous.

Les chats

Je suis arrivée à un point de ma vie où je me suis dis qu’il était temps d’avoir un chat dans la maison. Alors j’en ai fabriqué un avec du fil, des collants et des peluches. Un fil réglable à l’infini. C’est tout ce dont mes chats ont besoin comme attention, un changement d’attitute de temps à autre.  Où il y a de la lumière, il y a de l’obscurité. J’ai donc pensé à des chats noirs pour Venise. Les chats noirs incarnent le mystère, la superstition et l’ombre. De gros chats noirs égyptiens.

Le béton

N’importe qui visitant le Sir John Soanes’ Museum à Londres, va à l’encontre d’une certaine forme de perversion classique, et il le sait. La pièce jaune est impressionnante, c’est un jaune vraiment spécial. Ensuite, il y a les objets. Ils ne sont pas jetés dedans ensemble mais chaque objet ajoute sa pierre à l’édifice.Et voilà que nous y sommes aussi, à vouloir mettre plein d’objets dans une salle plutôt petite. Les « tits of cats» n’ont pas joué leurs rôles et ont été marginalisés dans cette pièce, en quelques sortes. Je me suis ensuite souvenu des parpaings que nous avions ramenés et que nous amenions partout avec nous – une palette de parpaings (en sachant qu’une palette pèse une tonne) est toujours pratique et très versatile. Est alors venu le moment de les sortir et de mettre un chat dessus, c’était une brillante pièce du style John Soane’s Classic Pervery.

Le jaune

« Deep Cream » m’est apparue, en partie parce que ça s’appelait « Deep Cream ». Je me suis dit que c’était une très belle formulation et j’avais déjà l’idée d’appeler l’exposition I SCREAM DADDIO, donc ça collait. J’aimais aussi le « Gold Cup » ; au début, je me suis dit que, s’il fallait choisir une couleur, alors ça devait être le rose – ce qui paraissait très Franz West – ce qui ne me dérangeait pas puisque j’adore Franz West. Tout ce truc de peindre les sculptures, je l’ai fais avec Franz en tête, d’une certaine manière. Mais j’ai ensuite choisi le « Deep Cream » et le « Gold Cup » en pensant que l’exposition entière devait être jaune et que ça ferait sens de choisir ces jaunes là. C’était un peu un pari, surtout que le « Maradona » aurait pu disparaître là dedans.